Une grande confusion règne dans la définition de la violence et de l’agressivité. Pourtant ils désignent des attitudes qui diffèrent par leurs enjeux et leurs conséquences sociales
(Tisseron, 2010).
L’agressivité
Une certaine ambigüité existe autour du terme d’agressivité. Etymologiquement, «agressivité » vient du latin ad-gressere qui signifie « aller vers ». Le mot français agressivité a donc une double signification : à la fois attitude « négative » d’attaque vers autrui (agression hostile), et une attitude « positive » faisant référence à l’affirmation de soi et à la combativité (agression instrumentale). L’agressivité renvoie à un comportement (qu’il soit ouvert ou couvert) et non à une émotion.
On distingue principalement deux approches théoriques concernant l’agressivité : l’approche psychanalytique et l’approche cognitivo-comportementale.
Selon l’approche psychanalytique, l’agressivité vise un désir de faire reconnaître sa puissance par l’autre.
Adler a le premier pris en considération le phénomène d’agressivité, qu’il place au centre des processus psychiques et dont il fait une pulsion d’agression. L’agressivité serait une réaction à la frustration. L’accumulation d’angoisse ou de frustrations donne naissance à une force, à une énergie qui peut s’extérioriser à tout moment. La cible privilégiée de l’agression est la source de la frustration, cependant, celle ci peut se déplacer vers d’autres cibles, que l’on appelle boucs émissaires.
Pour Freud, l’agressivité est une force qui fait partie de la lutte du moi pour sa conservation et son affirmation. Elle est en lien avec la pulsion de mort et la pulsion de vie. Elle va de l’intention agressive jusqu’au crime.
L’agressivité est avant tout relationnelle. Selon Pierre Benghozi (Benghozi, 2010) «L’agressivité vise à restaurer un lien désavoué. Elle interpelle, convoque, provoque l’autre. C’est une forme d’appel, une tentative de surmonter les impasses à la parole en conflictualisant la relation, de dire ce qui ne peut se dire autrement et espérer être entendu. »
Selon l’approche cognitivo-comportementale, l’agressivité est une composante du dynamisme général de la personnalité et des comportements adaptatifs d’un individu. L’agressivité va ainsi avoir une valeur instrumentale afin de permettre à la personne d’arriver à ses fins.
Selon la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1980), le comportement agressif est un comportement socialement appris.
Le questionnaire d’agressivité le plus utilisé en recherche en sciences humaines (Pfister, Masse, Jung, 2001) est fondé sur le référentiel cognitivo- comportemental. Il s’agit du Buss-Durkee Hostility Inventory (Buss & Durkee, 1957). Il est intéressant de noter que cet outil évalue l’agressivité d’une personne selon quatre composantes : colère, hostilité, agressivité physique, agressivité verbale.
Le contexte social et professionnel a une influence très importante sur la façon dont l’agressivité est acceptée ou exprimée. Par exemple, dans le domaine du sport, il est de bon ton que les athlètes soient agressifs afin de gagner leurs médailles. De même dans le secteur commercial où une certaine dose d’agressivité permet de réaliser du chiffre d’affaires. Dans d’autres secteurs professionnels, l’agressivité est par contre mal considérée, notamment dans les professions du soin, où, tout au contraire, on s’occupe des gens pour leur faire du bien, et pas du mal…
La violence
Selon l’éthymologie, le mot violence vient du latin violentia qui signifie « abus de la force ». Elle est définie dans le Grand dictionnaire de la psychologie comme « force brutale qu’un être impose à d’autres, pouvant aller jusqu’à la contrainte exercée par l’intimidation de la terreur».
Définition de l’OMS« La violence est l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès. » |
La violence est une force qu’un être impose à un autre ou à d’autres. L’acte violent vise à détruire, à annihiler l’autre. La violence détruit. Elle s’inscrit dans la clinique du passage à l’acte.
Elle est en dehors des cadres sociaux qui fondent l’appartenance de l’individu à l’humanité.
Selon le point de vue psychanalytique, la violence est liée à l’instinct de survie. Elle ne vise pas au plaisir mais à la défense de soi. Les actes de violence arrivent lorsque échouent les barrières imposées par la loi symbolique.
Selon les mots de Pierre Benghozi « La violence est une attaque contre le lien. Elle est symbolicide et désubjectivante. (…) Qu’elle soit physique, psychique ou sexuelle, la violence est intrusive et porte atteinte à l’intégrité de l’autre. »
Elle est un phénomène très complexe qui concerne les individus, les groupes, et même la société.
Conclusion
L’agressivité est une attitude qui relève de l’affirmation de soi, de sa puissance face à autrui. Elle est fondamentalement relationnelle. Bien dosée et maîtrisée, elle a un rôle essentiel dans la poursuite et l’atteinte de nos objectifs. En revanche la violence est a-relationnelle. Elle vise la destruction totale du sujet et se situe en dehors des cadres sociaux. On ne négocie pas avec une personne violente, on s’en protège.
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Ressources documentaires
- Bandura, A. (1980). L’apprentissage social. Liège : Mardaga.
- Benghozi Pierre, « La violence n’est pas l’agressivité : une perspective psychanalytique des liens », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe 2/2010 (n° 55) , p. 41-54
- Bergeret J., La violence fondamentale. Dunod, 1985
- Bion, W. R. 1982. « Attaques contre les liens », Nouvelle revue de psychanalyse, 25, Paris, Gallimard.
- Buss, A.H. (1961). The psychology of aggression. New York : Wiley.
- Buss, A.H., & Perry, M. (1992). The Aggression Questionnaire. Journal of Personality and Social Psychology, 63, 452-459.
- Freud S., (1920), Au-delà du principe de plaisir. Essais de psychanalyse. Payot, 1977.
- Klein M., (1957), Envie et gratitude. Gallimard, 1968.
- Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse », Ecrits, Ed. Seuil, 1966
- Lacan J., Conférence prononcée à Bruxelles en mai 1948 au 11ème Congrès des psychanalystes de langue française, publiée dans la Revue Française de Psychanalyse, juillet-septembre 1948, tome XII, n° 2 pp. 367-388.
- Pfister R., Masse C., Jung J., « Agressivité, impulsivité et estime de soi », Staps 3/2001 (no 56) , p. 33-42
- Tisseron S., Violence et agressivité, une distinction essentielle, Santé Mentale (165), Février 2012