Si le doute s’installe souvent en nous quand il s’agit de distinguer handicap mental et handicap psychique, ce n’est pas forcément par ignorance, mais sûrement parce qu’il existe une réelle ambiguïté dans cette distinction sans véritable fondement scientifique.
Définition générale du handicap
La notion de handicap a beaucoup évolué depuis le début du XXe siècle, partant d’un modèle individuel du handicap vers un modèle de plus en plus social et systémique du handicap.
En 1980, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publie une classification internationale du handicap qui reflète cette évolution conceptuelle et intègre les modèles individuels et sociaux du handicap dans une approche systémique. Cette classification a permis de structurer la pensée sur la question du handicap.
Ainsi selon cette approche, le terme de handicap désigne la limitation des possibilités d’interaction d’un individu avec son environnement, causée par une déficience provoquant une incapacité, permanente ou non. Il exprime une déficience vis-à-vis d’un environnement, que ce soit en termes d’accessibilité, d’expression, de compréhension ou d’appréhension. Il s’agit donc aujourd’hui plus d’une notion sociale que d’une notion médicale.
Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ».
Cette définition touche à trois niveaux d’expérience du handicap: déficience (organes et fonctions), incapacité (activités), désavantage (rôles sociaux). Ils sont définis, dans le domaine de la santé, de la façon suivante :
- la déficience : « toute perte de substance ou altération d’une fonction ou d’une structure psychologique, physiologique ou anatomique ».
- l’incapacité : « toute réduction (résultant d’une déficience) partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité d’une façon normale ou dans les limites considérées comme normales, pour un être humain ».
- le désavantage : « le désavantage social d’un individu est le préjudice qui résulte de sa déficience ou de son incapacité et qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle considéré comme normal, compte tenu de l’âge, du sexe et des facteurs socioculturels. »
La dernière classification de l’OMS publiée en 2001 est intitulée Classification internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF). Elle définit un cadre conceptuel du handicap, légèrement modifié par rapport à celui de 1980, qui est largement partagé en France et dans la communauté internationale.
Cette approche du handicap de l’OMS a été retenue dans la loi française du 11 février 2005 portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Définition française du handicap selon la loi du 11 février 2005
Constitue « un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Différence entre handicap mental et handicap psychique
La différenciation entre handicap mental et handicap psychique, défendue depuis longtemps par les associations de patients en psychiatrie et de familles comme l’Unafam et l’Agapy, est reconnue en France depuis la loi sur le handicap du 11 février 2005.
Ainsi en France, on associe le terme de handicap mental aux handicaps résultant d’une déficience intellectuelle. Souvent détectées précocement, les déficiences mentales limitent les activités de la personne en perturbant les fonctions cognitives (mémorisation, accès au langage…).
Le handicap psychique est, quant à lui, associé à des « troubles psychiatriques », donnant lieu à des atteintes comportementales et menant à une marginalisation de la personne. Les handicaps psychique et mental peuvent parfois être cumulés.
Cette distinction est une spécificité française : la distinction entre fonction psychique et fonction mentale n’existe pas dans la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé de l’OMS (CIF).
Cette notion « repose sur une construction pratique plus que scientifique » (ANESM, 2014) et bien que discutable sur le plan sémantique, elle a pour avantage de désigner des formes de handicaps très méconnues et de « faire exister une population » (Charzat, 2002).
En effet, le rapport Charzat souligne qu’« il faut insister sur le fait qu’il n’est pas de frontière entre « handicap mental » et « handicap psychique » : les troubles graves des fonctions psychiques retentissent sur les capacités intellectuelles et les apprentissages » (2002).
On distingue donc couramment en France handicap mental et handicap psychique selon cinq aspects :
- Caractère des troubles dans le temps : le handicap mental est associé à une « limitation des capacités intellectuelles qui n’évolue pas, une stabilité dans les manifestations des symptômes » (Unafam, 2015), le handicap psychique quant à lui se distingue par le caractère évolutif des troubles. « La symptomatologie est instable, imprévisible. »
- Fonctions mentales touchées : le handicap psychique se démarque par l’absence de déficience intellectuelle alors que le handicap mental associe une déficience intellectuelle.
- Prise en charge médicamenteuse : très modérée pour les handicap mental, souvent indispensable dans le handicap psychique.
- Origine des troubles : handicap mental résulte le plus souvent de pathologies identifiables (traumatisme, anomalie génétique, accident cérébral) alors que le handicap psychique sont souvent de cause inconnue
- Âge d’apparition des troubles : généralement les troubles des personnes dites handicapées psychiques apparaissent à l’adolescence ou à l’âge adulte, alors que le handicap mental se découvre à la naissance ou dans la petite enfance.
Attention ces différences sont à nuancer car la réalité des troubles est complexe et il n’existe pas de véritable frontière entre handicap mental et handicap psychique.
Aspects | Handicap mental | Handicap psychique |
Caractère des troubles dans le temps | Stable | Evolutif |
Déficience intellectuelle associée | Oui | Non |
Prise en charge médicamenteuse | Très modérée | Souvent indispensable |
Origine des troubles | Identifiée (traumatisme, anomalie génétique, accident cérébral) | Non identifiée |
Âge d’apparition des troubles | Naissance ou petite enfance (sauf cas d’accident ou maladie) | Adolescence ou âge adulte |
Le handicap mental
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit le handicap mental, ou déficience intellectuelle, comme « un arrêt du développement mental ou un développement mental incomplet, caractérisé par une insuffisance des facultés et du niveau global d’intelligence, notamment au niveau des fonctions cognitives, du langage, de la motricité et des performances sociales ».
Il est la conséquence sociale d’une déficience intellectuelle. Il touche 1 à 3% de la population générale, avec une prépondérance de sexe masculin.
Les causes du handicap mental sont multiples :
- à la conception : maladies génétiques, aberrations chromosomiques – trisomie, syndrome de l’X fragile –, incompatibilité sanguine…
- pendant la grossesse : radiation ionisante, virus, médicaments, parasites, alcool, tabac…
- à la naissance : souffrance cérébrale du nouveau-né, prématurité…
- après la naissance : maladies infectieuses, virales ou métaboliques, intoxications, traumatismes crâniens, accidents du travail ou de la route, noyades, asphyxies…
La trisomie 21 est la forme la plus connue de handicap mental, et vient d’une anomalie chromosomique. Elle concerne 50 000 à 60 000 personnes en France (soit 10 à 12% des personnes handicapées mentales françaises) et touche 1 000 nouveaux nés chaque année.
L’Unapei estime à 650 000 personnes vivant en situation de handicap mental. Chaque année, 6 000 enfants naissent en étant atteints d’un handicap mental.
Ce pictogramme dit « S3A » pour Symbole d’Accueil, d’Accompagnement et d’Accessibilité a été crée par l’Unapei pour permettre aux personnes handicapées mentales de repérer facilement les lieux qui leur proposent un accueil, un accompagnement et des prestations adaptés.
Normalisé en mai 2000 suite à une collaboration avec l’Afnor (Association française de normalisation) et un ensemble de partenaires, ce pictogramme est destiné à être apposé sur des guichets, des lieux de passage, des produits ou des documents rendus accessibles aux personnes handicapées mentales.
Le handicap psychique
Comme nous l’avons vu plus haut, la notion de handicap psychique est une notion récente, couramment utilisée en France (alors que ce n’est pas le cas à l’international).
Selon l’Unafam, « le handicap psychique est caractérisé par un déficit relationnel, des difficultés de concentration, une grande variabilité dans la possibilité d’utilisation des capacités alors que la personne garde des facultés intellectuelles normales. Le handicap psychique est la conséquence directe des troubles psychiques.»
Le handicap psychique a des causes diverses :
- Etats psychotiques ou névrotiques
- Troubles dépressifs graves
- Etats limites
- Troubles bipolaires (psychose maniaco-dépressive)
- Troubles graves de la personnalité
- Détérioration mentale liée à l’âge, à des intoxications ou à des affections neurologiques
L’étiologie de ces « troubles psychiatriques » est problématique et elle fait l’objet de vifs débats entre les tenants d’une approche environnementale et ceux d’une approche neuro-biologique.
Les déficiences psychiques sont multiples :
- troubles de la pensée (délire)
- de la perception
- de la communication
- du comportement
- de l’humeur
- de la conscience et de la vigilance
- du sommeil
- troubles intellectuels : mémoire, attention, jugement, orientations temporelle et spatiale
- troubles de la vie émotionnelle et affective
- expression somatique des troubles psychiatriques
Les critères de déficience psychique sont énumérés dans le « Guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées ».
Ces déficiences peuvent également entraîner de nombreuses incapacités dans la vie quotidienne : toilette, habillement, courses et problèmes alimentaires, cuisine, entretien, ménage, déplacements, obligations administratives, finances, gestion de budget, santé…
Mais ces handicaps se manifestent aussi dans d’autres domaines de la vie sociale, affective et intellectuelle : repli sur soi, difficultés de relation à soi et aux autres, difficultés à mettre en œuvre ses capacités intellectuelles bien qu’elles ne soient pas affectées.
En France, l’Unafam retient qu’en 2013 au moins deux millions de personnes souffrent de troubles psychiques soit 3% de la population française.
Nous vous invitons à découvrir cette petite vidéo crée par l’Unafam à l’occasion de la Semaine d’Information sur la Santé Mentale de 2013, qui présente de façon schématisée et simplifiée la maladie psychique et ses impacts sur la vie de la personne souffrant de troubles psychiques et sur son entourage.
Conclusion
Au delà de ces débats sémantiques, il ne faut pas oublier que l’essentiel est le respect et la prise en compte de la souffrance de ces personnes. Pour conclure, nous reprendrons le contenu de la Charte de l’usager en santé mentale, pour se rappeler que la personne, handicapé psychique ou mentale doit être avant tout :
- une personne à part entière
- une personne qui souffre
- une personne informée
- une personne qui participe activement
- une personne dont l’environnement est pris en compte
- une personne qui sort de l’isolement
- une personne citoyenne