Le phénomène de maltraitance sur les personnes vulnérables est aujourd’hui un phénomène connu et reconnu. Selon l’OMS (2016), il est estimé qu’une personne âgée sur 10 serait victime de maltraitance. Pourtant la recherche sur le sujet est encore émergente (Roberto, 2016). Cet article propose de définir le concept de maltraitance, d’identifier les facteurs de risques et les mesures de prévention.
Définitions
Il existe autant de définitions que de besoins que ceux-ci soient statistiques, judiciaires psychologiques ou propres aux différentes professions ayant à accompagner les personnes, que ce soit à domicile ou en institution.
Lors de la recherche de la définition la plus précise, se pose la question des critères (ce qui est maltraitance ou pas), du seuil (la limite en deçà de laquelle il n’y a pas maltraitance), de l’intentionnalité (on ne prendrait en compte que les maltraitances volontaires, avec volonté de nuire ou de négliger), des effets sur la personne de toute attitude même involontaire qui aurait des effets négatifs sur la personne.
La terminologie elle-même n’est pas uniforme selon les pays, les organisations ou les recherches (Roberto, 2016). Les termes anglo-saxons de « abuse » (Roberto, 2016), « mistreatment », ou « maltreatment » (OMS, 2016) sont utilisés presque de manière interchangeable. En France, le terme de maltraitance semble s’être imposé, notamment grâce à la communication de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de l’OMS.
Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (2016)
Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2016) « la maltraitance des personnes âgées consiste en un acte unique ou répété, ou en l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime. »
Définition du Conseil de l’Europe (1987 et 1992)
En 1987 Conseil de l’Europe utilise le terme de violence qu’il qualifie comme « tout acte ou omission commis par une personne, s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière. »
En 1992 le Conseil de l’Europe a adopté une classification des actes de maltraitance :
- Violences physiques : par exemple coups, brûlures, ligotages, soins brusques sans information ou préparation, non satisfaction des demandes pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres (dont euthanasie)…
- Violences psychiques ou morales : par exemple langage irrespectueux ou dévalorisant, absence de considération, chantage, menace, abus d’autorité, intimidation, comportement d’infantilisation, non respect de l’intimité, injonctions paradoxales…
- Violences matérielles et financières : par exemple vols, exigence de pourboires, escroqueries diverses, locaux inadaptés…
- Violences médicales ou médicamenteuses : par exemple défaut de soins de base, non information sur les traitements ou les soins, abus de traitements sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de rééducation, non prise en compte de la douleur…
- Négligences actives : toutes formes de délaissement, d’abandon, de manquements pratiqués avec la conscience de nuire ;
- Négligences passives : négligences relevant de l’ignorance, de l’inattention de l’entourage ;
- Privations ou violations de droits : par exemple limitation de la liberté de la personne, privation de l’exercice des droits civiques, d’une pratique religieuse…
Les chiffres de la maltraitance
Il existe peu de données venant documenter l’ampleur et la nature des actes de maltraitance. Sur le plan épidémiologique il s’agit d’un phénomène difficilement quantifiable. Qu’elle soit familiale ou institutionnelle, la maltraitance est très insuffisamment révélée et difficile à appréhender. Les seules données disponibles sont celles issues des signalements de maltraitance, et ne représentent sans doute que la partie émergée de l’iceberg. En effet selon l’OMS (2016), seulement 1 cas de maltraitance sur 24 serait notifié.
En 2013, Michèle Delaunay, l’ancienne ministre déléguée chargée des Personnes Agées, avait avancé le chiffre de 600.000 cas recensés en France.
Selon le rapport d’activité 2016 de l’association le 3977, et à partir de 29 610 appels reçus :
- 29,1% violence psychologique
- 12,7% violence financière
- 13% physique
- 13,5% négligence passive
75% des maltraitances ont lieu au domicile (70% pour les personnes âgées, 80% pour les personnes handicapées).
Selon l’OMS (2016), il est estimé qu’une personne âgée sur 10 serait victime de maltraitance.
Facteurs de risque
Un certain nombre de facteurs de risque ont été identifiés comme l’âge, le sexe, l’isolement social, la solitude, la santé mentale, le déclin cognitif, la consommation d’alcool, la culture (Roberto 2016 ; OMS, 2016).
A domicile
En particulier concernant les personnes vivant à domicile, les facteurs de risque suivants on été identifiés :
- la cohabitation;
- la dépendance (souvent financière) de l’auteur des actes de violence à l’égard de la personne âgée ;
- la démence;
- l’isolement social des personnes chargées des soins et des personnes âgées, et l’absence de soutien social qui en résulte;
- la représentation des personnes âgées comme des êtres frêles, faibles et dépendants;
- l’érosion des liens entre les générations au sein de la famille;
- l’absence de ressources pour payer les soins.
En institution
Au sein des institutions, la maltraitance risque davantage de s’exercer lorsque:
- les normes de soins, les services de protection sociale et les établissements de soins pour les personnes âgées laissent à désirer;
- le personnel est mal formé et rémunéré, et surchargé de travail;
- l’environnement matériel est défectueux;
- les intérêts de l’institution sont pris en compte au détriment de ceux des pensionnaires.
En ce qui concerne les motivations ou causes qui mènent un professionnel du soin à être maltraitant envers une personne âgée les recherches sont très peu nombreuses (Roberto, 2016).
En France, d’après des enquêtes menées auprès d’une cinquantaine de professionnels de différents hôpitaux, la maltraitance peut naître « d’un sentiment d’impuissance, ou de sa forme défensive, la routine » (Dujarier, 2002). Elle semblerait surgir dans des situations où « les personnels ne peuvent faire face à une prescription », et serait la conséquence « d’une vision idéale du soin, de la vieillesse et de l’action institutionnelle. » (Dujarier, 2002).
Selon la recherche de Terreau (2007), il semblerait que le syndrome d’épuisement professionnel soit en cause pour une part importante, dans les situations de maltraitance.
La prévention de la maltraitance
L’État Français, garant de la protection des personnes vulnérables, conduit, depuis le début des années 2000, une politique active de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance. La prévention passe par quatre points principaux.
Informer et sensibiliser le public et les professionnels
L’information et la sensibilisation du public et des professionnels est essentielle pour améliorer le signalement et la connaissance des faits de maltraitance, mais aussi pour développer une prise de conscience. On peut commettre des actes de maltraitance de façon passive sans véritablement s’en rendre compte. Aussi la connaissance du phénomène peut permettre de modifier son comportement.
Faciliter le signalement
Le signalement est essentiel car il permet d’intervenir et de protéger les personnes vulnérables victimes de maltraitance. Toute personne témoin d’un cas de maltraitance doit alerter les autorités. Il s’agit de la loi. Plusieurs possibilités existent :
- Appeler le 39 77, la plate-forme nationale d’écoute contre la maltraitance gérée par ALMA, l’association Allo maltraitance des personnes âgées et ou personnes handicapées, qui dispose de centres d’écoute. Ce numéro est gratuit.
Une personne écoutera votre présentation de la situation et vous conseillera sur les démarches à entreprendre. Elle transmettra votre dossier à la structure départementale avec laquelle elle a passé convention pour le traitement de ces situations.
- Lorsque la maltraitance est le fait d’un professionnel travaillant dans un établissement ou un service : contacter son supérieur hiérarchique.
- Faire un signalement au Procureur et aux services de Police ou Gendarmerie.
En cas d’urgence, la situation de maltraitance (de maltraitance grave ou/et de danger imminent et manifeste) doit être signalée au Procureur et aux services de Police ou Gendarmerie.
Les dispositifs d’aide, d’écoute et de formation des aidants
Les phénomènes de maltraitance ayant principalement lieu au domicile, il s’agit d’accompagner et de soutenir au mieux les aidants. L’aide aux familles passe par l’écoute et l’expression des souffrances afin d’éviter l’isolement et l’épuisement qui peut conduire à des situations de maltraitance.
Dans l’article Maltraitance des personnes âgées et communication (Moguen-Boudet, Courtois, Mate; 2003), les auteurs proposent trois axes de travail dans ce sens : l’existence de groupes de parole, l’accès facilité à un psychologue, le désenclavement de la relation de dépendance.
Les associations d’aidant oeuvrent en ce sens, et doivent être soutenues par la création de plus nombreux accueils de jour et accueils temporaires. La formation est également un moyen de soutenir les aidants et de leur permettre de « muscler » leurs habiletés de communication et de gestion des situations difficiles, mais aussi de prendre du recul sur leur situation et analyser leurs pratiques.
Dans les établissements médico-sociaux : mise en œuvre d’une politique active de prévention, repérage des risques de maltraitance et d’une démarche de bientraitance dans les établissements
Cette politique est une priorité nationale depuis plus de 10 ans en France. Elle passe par un renforcement des contrôles au sein des établissements, un renforcement des procédures de suivi et de traitement des signalements de maltraitance mais aussi par un accompagnement des établissements au développement d’une culture de la bientraitance. A ce titre l’ANESM a publié de nombreux guides, repères et outils pour les établissements entièrement disponibles en ligne.
Cette démarche passe aussi par la formation des professionnels afin qu’ils développent des connaissances sur le phénomène mais aussi qu’ils fasse le point sur leur pratique et puissent adapter leurs comportements afin de respecter au mieux la personne aidée. Cela nécessite une réflexion en équipe pour trouver le meilleur équilibre possible entre le respect et le bien-être de l’usager, ceux de la famille et ceux des professionnels dans le cadre singulier de l’accompagnement.
La bientraitance se doit d’être une recherche permanente et active du bien-être, du mieux-être, une responsabilité partagée par l’organisation et les personnels, doit donc être portée avant et surtout, par les notions de respect des personnes, de considération, d’humain, de bienveillance…cette bienveillance étant un retour sur soi-même, un recul, une analyse des pratique, personnelle, en équipe, vers les personnes, vers les familles et proches.
Cette bienveillance-là, est le chaînon essentiel vers la bientraitance.
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